Un container, c’est une grosse boîte en acier qui voyage sur un navire. Dit comme ça, ça fait rêver moyen. Pourtant, cette “boîte” peut littéralement faire gagner – ou perdre – des milliers d’euros à votre entreprise, selon la façon dont vous la choisissez et l’intégrez dans votre chaîne logistique.
Entre les différents types de containers, les contraintes de vos produits, les coûts cachés et les impacts opérationnels, le choix n’est pas si simple. Alors, comment décider si vous avez besoin d’un 20’ dry, d’un 40’ high cube ou d’un reefer flambant neuf ? Et surtout : comment faire en sorte que ce choix améliore vraiment vos flux, plutôt que de les compliquer ?
Passons en revue, de manière très concrète, les points clés pour choisir le bon container maritime et optimiser votre chaîne logistique de bout en bout.
Pourquoi le container est un maillon stratégique de votre chaîne logistique
On pense souvent au container comme à un « détail technique » de transport. En réalité, il se trouve au croisement de trois grands enjeux logistiques :
- Coût global : fret maritime, surcharges, manutention, stockage, pré-acheminement et post-acheminement.
- Performance opérationnelle : taux de remplissage, fluidité aux quais, compatibilité avec les équipements, intermodalité.
- Qualité & sécurité : intégrité des marchandises, respect de la chaîne du froid, risques de dommages ou de litiges.
Autrement dit, le container ne se choisit pas seulement en fonction du prix du transport maritime. Il se choisit en fonction de tout ce qu’il va impacter avant, pendant et après le voyage en mer.
Une erreur fréquente ? Chercher à “caler” sa marchandise dans le type de container le plus répandu, plutôt que de partir des besoins réels du flux. C’est le meilleur moyen de payer du vide, d’empiler des coûts de manutention ou de se retrouver avec une marchandise abîmée.
Les principaux types de containers maritimes à connaître
Si vous travaillez déjà avec un transitaire, vous entendez sûrement parler de “20 dry” ou de “40 HC” à longueur de journée. Mais derrière ces sigles, il y a des usages très différents.
Voici les grands types de containers et quand les utiliser.
- Dry container 20’ et 40’
Le standard de base. Fermé, acier, ventilé naturellement, adapté à la plupart des marchandises sèches (cartons, palettes, big-bags, caisses, pièces détachées, etc.).
On retrouve principalement :
- 20’ dry : intéressant pour les marchandises lourdes et denses (métal, pièces, matières premières) où le poids limite avant le volume.
- 40’ dry : rentable pour les produits volumineux mais légers (textile, plastique, biens de consommation).
- High Cube (HC)
Un High Cube est généralement un 40’ avec environ 30 cm de hauteur supplémentaire. Idéal quand les palettes sont hautes, ou pour optimiser le cubage sur des produits volumineux.
Attention : qui dit HC dit parfois frais supplémentaires en manutention ou limitations sur certaines lignes terrestres (gabarit routier, rail).
- Reefer (réfrigéré)
Équipé d’un groupe frigorifique, il permet de maintenir une température contrôlée, en général entre -30°C et +30°C selon le matériel. Indispensable pour :
- Produits frais (fruits, légumes, viandes, produits laitiers)
- Produits surgelés
- Certains produits pharmaceutiques ou chimiques sensibles à la température
Le reefer se paie plus cher mais un incident de température peut rapidement coûter un container entier de marchandise perdue. À comparer calmement.
- Open Top
Container sans toit rigide (bâche amovible), utilisé pour les marchandises trop hautes ou qui nécessitent un chargement par le dessus : machines industrielles, bobines, charges en vrac.
Il simplifie la manutention au départ, mais peut générer plus de contraintes en terminal et au déchargement.
- Flat Rack
Sans parois latérales, parfois sans frontal, utilisé pour les colis lourds et hors gabarit : engins de chantier, éléments de structure, grosses pièces mécaniques.
C’est le container préféré des projets industriels, mais aussi un champion des surcoûts si mal anticipé (surcharges “out of gauge”, manutention spécifique, arrimages).
- Tank Container
Conçu pour les liquides (alimentaires ou chimiques), avec citerne intégrée. Remplace avantageusement certains conditionnements en fûts ou IBC lorsque les volumes sont importants.
Il existe aussi des variantes plus spécifiques (ventilated, bulk, double door, palletwide, etc.). Leur intérêt se joue souvent au cas par cas, selon votre secteur et vos flux.
Définir ses besoins logistiques avant de choisir son container
La meilleure façon de choisir le bon container, ce n’est pas de démarrer par “qu’est-ce qu’il y a au catalogue ?” mais par “quels sont mes flux et mes contraintes ?”.
Voici les questions clés à se poser.
- Quelle est la nature de la marchandise ?
- Est-elle sensible à la température, à l’humidité, aux chocs ?
- Y a-t-il des réglementations particulières (ADR, IMDG, denrées alimentaires, pharmaceutique) ?
- Le conditionnement est-il adapté à un container standard (palettes Europe/US, vrac, cartons, caisses bois) ?
- Quel est le volume réel à expédier par flux ?
Le volume réel (en m³) et le poids (en tonnes) sont déterminants.
- Un 20’ fait, en gros, 33 m³ utiles.
- Un 40’ autour de 67 m³.
- Un 40’ HC peut approcher les 76 m³.
Un calcul simple permet de voir si vous remplissez un container ou si vous payez 40 % de vide. C’est aussi ce qui oriente vers du FCL (container complet) ou du LCL (groupage).
- Quelle fréquence et quelle régularité de flux ?
Un flux ponctuel n’appelle pas les mêmes solutions qu’un flux hebdomadaire répétitif :
- Sur un flux régulier, on peut standardiser le type de container, optimiser le plan de chargement, négocier des contrats plus avantageux.
- Sur un flux irrégulier, la flexibilité prime : LCL, choix multiple de tailles, location ponctuelle.
- Quels sont les points de départ et d’arrivée réels ?
Le container ne fait pas seulement “port à port”. Il fait souvent :
- Usine → Dépôt → Port de départ → Port d’arrivée → Entrepôt → Client final
Selon vos sites :
- Avez-vous les quais adaptés (hauteur, rampes, chariots) ?
- Un 40’ HC est-il manœuvrable jusqu’au site ?
- Avez-vous la place pour stocker les containers en attente de chargement/déchargement ?
- Quels Incoterms et quelles responsabilités ?
Selon que vous vendez FOB, CIF, DAP, etc., vous ne gérez pas le même périmètre :
- Si vous contrôlez le transport principal : vous choisissez directement le type de container et la compagnie.
- Sinon : mieux vaut quand même comprendre ce qui est utilisé, pour anticiper les risques (dégâts, retards, non-conformités).
Prendre le temps de répondre à ces questions avec votre transitaire ou votre service logistique permet souvent d’identifier rapidement 1 ou 2 types de containers vraiment pertinents, plutôt que d’hésiter entre 5 options théoriques.
Optimiser les coûts : taille, taux de remplissage et modes de chargement
Le container idéal n’est pas forcément celui qui coûte le moins cher “par voyage”, mais celui qui minimise le coût total par unité transportée (par palette, par carton, par tonne).
Quelques leviers concrets :
- Choisir entre 20’ et 40’ en fonction du ratio poids/volume
Règle pragmatique :
- Si vous atteignez le poids max bien avant de remplir le volume : privilégiez les 20’.
- Si vous remplissez le volume avec du poids encore disponible : un 40’ est souvent plus rentable.
Certains chargeurs perdent beaucoup en expédiant des demi-40’ “pour être tranquilles”. C’est confortable, mais rarement optimal.
- Maximiser le taux de remplissage (sans jouer à Tetris extrême)
Un bon plan de chargement, c’est :
- Un taux de remplissage élevé (idéalement > 85 % en volume ou en poids utile).
- Une répartition du poids correcte pour éviter les surcharges d’essieu et les déséquilibres.
- Une manutention raisonnable : si chaque container prend 6 heures à charger, le “gain” de remplissage est vite compensé par le coût de main-d’œuvre.
- FCL ou LCL : ne pas sous-estimer le groupage
Si vos volumes ne remplissent pas un container complet :
- Le LCL (Less than Container Load) via un groupage peut baisser vos coûts unitaires.
- En contrepartie, vous ajoutez de la complexité (consolidation/déconsolidation) et parfois du délai.
Pour des produits à forte valeur ou sensibles aux délais, un FCL partiellement rempli peut pourtant être plus intéressant qu’un LCL.
- Prendre en compte les surcharges et frais annexes
Outre le “freight”, surveillez :
- THC (Terminal Handling Charges)
- Detention & demurrage (pénalités en cas de garde trop longue du container)
- Surcharges spécifiques aux reefers, open top, flat rack, etc.
Un container “pas cher” peut devenir nettement moins intéressant s’il génère 5 jours de surestaries à l’arrivée.
Sécurité, qualité et conformité : ne pas jouer avec le feu (ni avec l’ADR)
Le container fait partie intégrante de votre dispositif de sécurité. Une mauvaise adéquation peut générer :
- Dégâts marchandise (humidité, écrasement, arrimage insuffisant)
- Accidents de manutention
- Non-conformités réglementaires (douane, ADR/IMDG, sanitaire, phytosanitaire)
Quelques points de vigilance :
- Contrôle du container avant chargement
Vérifier au minimum :
- Étanchéité (joint de portes, plancher, parois)
- Propreté (odeurs, résidus, traces de produits précédents)
- Numéro de container et plaque CSC (conformité internationale)
- Arrimage et calage
Selon le type de marchandise, prévoyez :
- Sangles, barres d’arrimage
- Cales bois ou gonflables
- Filmage renforcé, coins de protection
Un accident d’arrimage ne se voit pas forcément au départ, mais il peut se traduire par un mur de palettes effondré à l’ouverture du container, voire pire pendant le transport terrestre.
- Marchandises dangereuses
Pour l’ADR/IMDG :
- Vérifiez la compatibilité du type de container avec la nature du produit.
- Respectez l’étiquetage, la documentation et le conditionnement homologué.
- Assurez-vous que votre transitaire et la compagnie maritime acceptent cette classe de danger.
- Chaîne du froid
Avec un reefer, la sécurité, c’est aussi :
- Paramétrage précis de la température, atmosphère contrôlée si besoin (CA, MA).
- Contrôle du pré-refroidissement du container.
- Lecture et archivage des enregistrements de température (utile en cas de litige).
Impacts opérationnels : entrepôts, manutention et intermodalité
Un container ne vit pas seulement sur un navire. Il vit aussi dans vos entrepôts, sur vos quais, sur des camions, parfois sur le rail ou la barge.
Avant de figer un type de container, posez-vous ces questions très terre-à-terre :
- Vos quais et équipements sont-ils adaptés ?
- Pouvez-vous charger/décharger un 40’ ou un HC sans risque ?
- Avez-vous les chariots avec la hauteur de levée et la capacité suffisantes ?
- Faut-il travailler en transbordement (dépotage à quai) ou en chargement direct dans le container ?
- Quid de l’intermodalité ?
Si vous utilisez rail ou fluvial :
- Tous les types de containers sont-ils acceptés sur vos corridors ?
- Le gabarit des lignes accepte-t-il les HC ?
- Les terminaux ont-ils l’équipement pour les reefers (prises électriques, surveillance) ?
- Gestion des flux retours
Un container FCL vide, c’est aussi :
- Un coût de repositionnement
- Un problème de stockage sur site
Dans certains cas, il vaut mieux passer en LCL ou mutualiser des flux avec un partenaire plutôt que de jongler avec des vides.
Quelques cas pratiques pour illustrer le choix du bon container
Un peu de concret pour illustrer tout ça.
- Cas 1 : Export de pièces automobiles lourdes Europe → Asie
Pièces métalliques denses, conditionnées en caisses bois. Le poids limite toujours avant le volume.
Choix pertinent : 20’ dry, bien arrimés, éventuellement renfort de plancher si très lourd. Optimisation du nombre d’unités par container, attention au poids brut route.
- Cas 2 : Textile prêt-à-porter Asie → Europe
Produits volumineux, légers, conditionnés en cartons. On remplit très bien le volume d’un 40’ sans atteindre le poids max.
Choix pertinent : 40’ HC pour augmenter le cubage utile, plan de chargement optimisé pour limiter le nombre de containers par saison. Fort levier sur le coût par pièce.
- Cas 3 : Produits frais (fruits) Amérique du Sud → Europe
Produits très sensibles à la température et à la durée de transit.
Choix pertinent : reefer 40’, avec réglage précis de la température, contrôle des paramètres à chaque étape (terminal, pré/post acheminement), contrats clairs sur les responsabilités en cas de rupture de la chaîne du froid.
- Cas 4 : Projet industriel avec machines hors gabarit
Colis longs, hauts, impossibles à charger par porte.
Choix pertinent : flat rack et/ou open top, étude préalable d’arrimage, simulation des surcharges portuaires “out of gauge”, coordination avec les équipes de manutention sur site et dans les ports.
Bien travailler avec ses partenaires : armateurs, transitaires et loueurs
Vous n’avez pas besoin de devenir ingénieur en container pour chaque expédition. Par contre, vous gagnez beaucoup à structurer la collaboration avec vos partenaires.
- Clarifier vos besoins dès le départ
Plus vos données sont précises (dimensions, poids, photos, plans de palettes, fréquences), plus votre transitaire ou votre armateur pourra :
- Proposer le type de container le plus adapté
- Optimiser les coûts (type, taille, groupage)
- Éviter les mauvaises surprises (surcharges, refus de chargement, reconditionnements en terminal)
- Négocier sur des volumes cohérents
Si vos flux sont réguliers :
- Standardisez quelques types de containers (par exemple : 20’ dry + 40’ HC + reefers).
- Négociez des conditions et allocations sur ces types-là, plutôt que d’éparpiller vos volumes.
- Documenter les retours d’expérience
À chaque problème (casse, surcharge, litige de température, délai excessif), posez-vous :
- Le type de container était-il adapté ?
- Le plan de chargement/arrimage doit-il être revu ?
- Faut-il ajuster le choix FCL/LCL, la taille ou la fréquence des envois ?
Au bout de quelques cycles, vous disposez d’un véritable référentiel interne pour chaque famille de produits.
Les grandes tendances : durabilité et containers “intelligents”
Le monde du container bouge aussi, et pas seulement en hauteur de pile sur les navires.
- Réduction de l’empreinte carbone
Votre choix de container influence indirectement votre bilan CO₂ :
- Un meilleur taux de remplissage = moins de containers pour la même quantité de marchandise.
- Le recours au rail ou au fluvial via des containers adaptés réduit l’empreinte par rapport au tout-routier.
- Certaines compagnies offrent des options “green” (biocarburants, compensation) plus faciles à mettre en place avec des flux bien standardisés.
- Containers connectés
De plus en plus de containers (notamment reefers) sont équipés de capteurs :
- Suivi temps réel de la position
- Surveillance de la température, de l’humidité, des chocs
- Alerte en cas d’ouverture non prévue
Ces solutions ont un coût, mais apportent une valeur énorme pour les flux sensibles (pharma, frais, haute valeur). Là encore, bien choisir le type de container et standardiser les flux facilite l’intégration de ces technologies.
- Reconditionnement, location et partage
Au-delà de l’achat pur et simple, pensez :
- Location courte ou moyenne durée, selon la saisonnalité.
- Reconditionnement ou réutilisation des containers (y compris pour stockage temporaire sur site).
- Mutualisation avec d’autres chargeurs sur certaines lignes pour stabiliser les volumes.
En résumé, choisir le bon container maritime, ce n’est pas seulement cocher une case “20’ ou 40’” sur un devis. C’est un levier puissant pour :
- Réduire vos coûts logistiques unitaires
- Sécuriser et fiabiliser vos flux
- Simplifier vos opérations entrepôt et transport
- Préparer une logistique plus durable et plus transparente
La prochaine fois que vous verrez une “simple boîte en acier” sur un camion, demandez-vous : est-ce vraiment la bonne pour mon flux ? Et si la réponse est “je ne sais pas trop”, c’est probablement le bon moment pour remettre à plat vos choix de containers avec vos équipes et vos partenaires.

