Lyon n’est plus seulement « entre Paris et Marseille ». C’est devenu l’un des terrains de jeu favoris des professionnels de la logistique en France. E-commerce, logistique urbaine, hubs multimodaux, immobilier XXL : le marché lyonnais bouge vite, et ceux qui ne s’y intéressent pas risquent de rater une belle marche de croissance.
Dans cet article, on va regarder de près ce qui fait de Lyon un pôle logistique stratégique, quelles sont les grandes tendances à l’œuvre, qui sont les acteurs qui comptent, et surtout quelles perspectives s’ouvrent pour les entreprises de transport, les chargeurs et les logisticiens.
Lyon, un nœud logistique au carrefour de l’Europe
Pour comprendre l’essor du marché lyonnais, il faut commencer par la base : sa géographie. Lyon est au croisement de grands axes nord-sud et est-ouest. C’est une porte d’entrée vers :
- l’Île-de-France et le nord de l’Europe, via l’A6/A7 et le rail,
- la Méditerranée (Marseille-Fos) et l’Italie,
- la Suisse et l’Allemagne via la vallée du Rhône et l’axe rhénan.
Ajoutez à cela un bassin de consommation dense (métropole lyonnaise, Saint-Étienne, Grenoble, voire jusqu’à Genève) et vous obtenez une zone idéale pour implanter entrepôts, hubs de cross-docking, plateformes e-commerce ou agences de transport.
La région s’appuie en plus sur un écosystème logistique déjà mature :
- le Port Édouard Herriot, pivot du transport fluvial et des trafics conteneurisés,
- un réseau autoroutier massif (A6, A7, A42, A43, A46, A47),
- un maillage de zones logistiques structurantes : Saint-Quentin-Fallavier, Corbas, Mions, Genas, Vénissieux, Parc de Chesnes, etc.
En clair : si vous cherchez un point d’appui pour distribuer sur 24/48 h une large partie de la France et toucher l’Europe du Sud, Lyon coche presque toutes les cases.
Les grandes tendances qui redessinent la logistique à Lyon
Comme partout, la logistique lyonnaise se transforme, mais à Lyon, certaines tendances sont particulièrement marquées.
1. L’explosion de l’e-commerce et du B2C
Les flux orientés vers le consommateur final poussent à multiplier les entrepôts de préparation de commandes à proximité des grands axes. On observe :
- des entrepôts XXL sur la grande couronne (Saint-Quentin-Fallavier, Satolas, Plaine de l’Ain),
- des cellules de 5 000 à 20 000 m² dédiées à l’e-commerce multicanal,
- une montée en puissance des opérations en température dirigée pour l’alimentaire frais.
Les exigences clients en termes de délais (J+1, parfois J0 sur la métropole) imposent une organisation très fine : WMS performants, préparation automatisée, mécanisation des flux, mais aussi stratégies de stockage plus éclatées pour rapprocher les stocks des zones de consommation.
2. La logistique urbaine au cœur des préoccupations
Avec la ZFE (zone à faibles émissions) et les contraintes de circulation, livrer le centre de Lyon n’est plus un simple sujet d’organisation, c’est un vrai défi. Résultat : la logistique urbaine devient un terrain d’innovation.
Les grandes tendances :
- implanter des hubs de proximité en petite couronne, accessibles en véhicules propres,
- développer la livraison en véhicules utilitaires électriques ou GNV, voire en cargo-vélos sur l’hyper-centre,
- tester des formats de micro-hubs ou de mini-entrepôts urbains (anciens parkings, rez-de-chaussée d’immeubles industriels reconvertis).
La logistique du dernier kilomètre devient un segment à part entière, avec ses acteurs spécialisés, ses modèles économiques encore en construction, et ses arbitrages permanents entre coût, rapidité et impact environnemental.
3. La montée du multimodal : route, rail, fleuve, air
Lyon a un positionnement privilégié pour le multimodal, et c’est l’une des tendances à surveiller pour les années à venir :
- le Port Édouard Herriot développe les trafics conteneurs fluviaux avec Marseille-Fos, avec un intérêt croissant des chargeurs pour décarboner leurs flux,
- le rail gagne du terrain via des terminaux combinés permettant du pré-acheminement et post-acheminement routier,
- la proximité de l’aéroport Lyon-Saint-Exupéry ouvre des perspectives pour le fret aérien à forte valeur (pharma, high-tech, urgentistes).
On est encore loin d’un basculement massif de la route vers le fluvial ou le rail, mais les signaux sont clairs : les grands chargeurs, notamment industriels, poussent pour des solutions multimodales plus robustes.
4. Une forte pression sur l’immobilier logistique
Le marché lyonnais est tendu. La demande en surfaces logistiques de qualité dépasse souvent l’offre, surtout pour :
- des bâtiments modernes classés BREEAM/ HQE,
- des entrepôts avec forte hauteur libre (11-12 m) et grande capacité de stockage,
- des parcelles bien desservies permettant une circulation fluide des poids lourds.
Les loyers grimpent, poussant certains utilisateurs à s’éloigner un peu (Isère, Ain, Loire), tout en gardant un accès acceptable aux principaux axes. Les promoteurs, eux, rivalisent d’ingéniosité pour optimiser le foncier : densification, bâtiments multi-niveaux, mutualisation de parkings PL, toitures photovoltaïques…
5. Digitalisation, traçabilité et automatisation
Sur Lyon, beaucoup d’acteurs ont déjà franchi un cap : WMS avancés, TMS intégrés, interfaces web clients, EDI, suivi temps réel des livraisons, etc. Mais la nouvelle étape se joue sur :
- l’analytique : exploiter les données pour optimiser les tournées, les taux de remplissage, le dimensionnement des équipes,
- l’automatisation ciblée : convoyeurs, trieurs, robots de préparation (AMR), stockage automatisé sur les sites à forte volumétrie,
- l’intégration entre prestataires : échanges de données fluides entre chargeurs, 3PL, transporteurs, plateformes urbaines.
Sur un territoire déjà très structuré, ceux qui ne se digitalisent pas risquent surtout de perdre en transparence et en compétitivité.
Les acteurs qui comptent sur le marché lyonnais
Le marché de la logistique à Lyon est loin d’être homogène. On y trouve une grande diversité d’acteurs, des géants internationaux aux PME très spécialisées.
Les grands 3PL et groupes de transport
La plupart des leaders nationaux et internationaux de la logistique contractuelle et du transport ont une ou plusieurs implantations autour de Lyon. Ils opèrent pour :
- la grande distribution alimentaire et non-alimentaire,
- l’industrie pharmaceutique et chimique (segment très fort dans la région),
- l’automobile, la métallurgie, l’équipement industriel,
- l’e-commerce et la distribution spécialisée.
Ces acteurs gèrent souvent de grosses plateformes mutualisées, des cross-docks et des entrepôts dédiés pour des chargeurs majeurs. Ils sont moteurs sur :
- l’innovation (automatisation de la préparation, systèmes de gestion avancés),
- la structuration des flux régionaux,
- les investissements immobiliers à long terme.
Les spécialistes de la logistique urbaine et du dernier kilomètre
À côté des grands noms, un écosystème de start-up logistiques et de PME très agiles se développe :
- livraison en véhicules propres sur l’hyper-centre,
- distribution fine pour le retail, la restauration, les pharmacies,
- gestion de micro-hubs urbains et de consignes automatiques.
Ces acteurs collaborent souvent avec les transporteurs traditionnels : les uns gèrent le « gros œuvre » (line-haul, massification), les autres se chargent du dernier kilomètre sur des schémas optimisés. La logique de partenariat prend de plus en plus de place.
Les infrastructures : un maillage clé
À Lyon, les infrastructures ne sont pas juste un décor de fond, elles structurent le marché :
- le Port Édouard Herriot concentre une part importante des flux conteneurisés, des trafics de vrac, et de plus en plus d’activités logistiques intégrées (stockage, cross-docking, préparation),
- les plateformes de fret ferroviaire permettent des liaisons combinées, notamment pour les flux longue distance,
- l’aéroport se développe sur le segment cargo, même si la route reste ultra-dominante sur la région.
Pour les entreprises, se brancher intelligemment sur ces infrastructures (sans forcément y être physiquement implanté) peut faire une grosse différence en termes de coût et de résilience des flux.
Perspectives de croissance : où se situent les opportunités ?
Parler de Lyon, c’est parler d’un marché déjà mature. Mais mature ne veut pas dire figé, bien au contraire.
Des segments porteurs très identifiés
Plusieurs segments devraient continuer de tirer la croissance :
- e-commerce et omnicanal : consolidation des sites existants, montée en gamme sur les systèmes d’information, nouveaux besoins en surfaces spécialisées,
- logistique du froid : alimentaire, santé, agro-industrie, avec des sites de plus en plus techniquement exigeants,
- logistique de la santé et pharma : traçabilité, conformité réglementaire, température contrôlée, sérialisation,
- logistique industrielle : en lien avec les pôles industriels de la vallée du Rhône, de la chimie, de la métallurgie.
Pour les transporteurs et logisticiens, cela signifie qu’il y a encore de la place pour des positionnements très spécialisés, avec une vraie valeur ajoutée technique.
L’angle RSE, devenu incontournable
Les appels d’offres des grands donneurs d’ordre intègrent désormais des critères environnementaux très structurants :
- réduction des émissions de CO₂ par tonne transportée,
- taux de véhicules propres utilisés en zone urbaine,
- certifications environnementales des sites (isolation, éclairage LED, production d’énergie renouvelable),
- organisation multimodale là où c’est pertinent.
Lyon, avec son port fluvial, ses projets de logistique urbaine propre et ses nombreuses zones d’activité modernisées, est un terrain favorable pour ce type de démarches. Ceux qui investissent tôt sur ces sujets peuvent clairement se différencier.
Le défi du foncier et des réglementations locales
La croissance ne se fera pas sans contraintes. Parmi les points de vigilance :
- le foncier rare et cher sur la première couronne,
- les restrictions de circulation liées à la ZFE,
- la sensibilité accrue des riverains à la présence de poids lourds et d’entrepôts,
- la nécessaire intégration paysagère et environnementale des nouveaux projets.
Les projets logistiques doivent donc être mieux pensés, mieux intégrés, et souvent plus longs à monter. Ce n’est pas un frein définitif, mais cela oblige à anticiper et à travailler de près avec les collectivités et les aménageurs.
L’emploi et les compétences : un enjeu central
Avec la densité de sites logistiques dans la région, les besoins en main-d’œuvre restent élevés :
- préparateurs de commandes, caristes, chefs d’équipe,
- exploitants transport, affréteurs, responsables d’entrepôt,
- profils plus techniques : responsables QHSE, experts systèmes d’information, ingénieurs méthodes logistiques.
Pour les entreprises présentes ou souhaitant s’implanter à Lyon, la stratégie RH devient un facteur clé de réussite : formation, fidélisation, polyvalence, attractivité des conditions de travail… sans oublier une dose de bon sens organisationnel pour lisser les pics d’activité.
Comment tirer parti du marché lyonnais : pistes concrètes pour les entreprises
Lyon offre beaucoup d’opportunités, mais s’y développer sans stratégie claire peut vite se transformer en casse-tête. Quelques pistes pratiques pour structurer une approche efficace.
1. Bien choisir sa localisation
Tout dépend de votre cœur de métier :
- si votre priorité est la distribution nationale avec beaucoup de flux longue distance, viser la grande couronne (Saint-Quentin-Fallavier, Plaine de l’Ain, Satolas) peut offrir un bon compromis coûts / accessibilité,
- si vous êtes focalisé sur la logistique urbaine et le dernier kilomètre, il est pertinent de se rapprocher de la Métropole, quitte à travailler sur des surfaces plus petites mais mieux situées,
- si votre activité est très liée au multimodal (fluvial ou rail), s’adosser au Port Édouard Herriot ou à un terminal combiné peut créer un avantage durable.
L’erreur classique : choisir un site uniquement sur le loyer au m², sans intégrer les surcoûts de transport, les contraintes de circulation ou les besoins en main-d’œuvre locale.
2. Construire des partenariats plutôt que tout internaliser
Sur un marché dense et très concurrentiel, vouloir tout faire seul peut coûter cher. À Lyon, jouer le collectif peut au contraire créer des leviers :
- mutualisation de capacités d’entreposage sur certains pics saisonniers,
- accords avec des spécialistes du dernier kilomètre pour livrer le centre-ville,
- coopérations autour de flux massifiés pour utiliser le rail ou le fluvial.
De nombreuses entreprises de taille moyenne réussissent à tirer leur épingle du jeu en se spécialisant et en nouant les bons partenariats, plutôt qu’en cherchant à devenir un « mini-3PL » généraliste.
3. Miser sur la différenciation par la qualité de service
Dans une région aussi concurrentielle, le « simple transport » ou le « simple stockage » ne suffisent plus pour se démarquer. Les chargeurs attendent :
- de la visibilité en temps réel sur les flux,
- une capacité à gérer les aléas (retards, incidents, urgences),
- des KPI clairs et suivis,
- une proactivité sur l’optimisation des coûts et des délais.
Investir dans les bons outils (TMS, WMS, portail client) et dans la formation des équipes exploitation est souvent plus rentable, à moyen terme, qu’une course au prix plancher.
4. Intégrer dès le départ les enjeux RSE
À Lyon, ignorer les enjeux environnementaux n’est plus une option. Quelques axes concrets :
- planifier une transition progressive de flotte vers des véhicules moins émetteurs pour les dessertes urbaines,
- travailler la réduction des kilomètres à vide via l’optimisation des tournées et le co-chargement,
- choisir des bâtiments plus sobres énergétiquement et tirer parti des aides disponibles,
- documenter les gains réalisés pour les valoriser dans les réponses aux appels d’offres.
Les chargeurs n’attendent pas des miracles, mais des engagements concrets, chiffrés, et un plan de progrès réaliste.
5. Anticiper la montée en puissance des compétences
Enfin, sur un marché qui se complexifie, la meilleure automatisation du monde ne remplace pas des équipes compétentes. Pour tenir le rythme à Lyon, il devient crucial de :
- former régulièrement les équipes exploitation aux nouveaux outils,
- développer des profils mixtes (terrain + data, par exemple),
- valoriser les parcours internes pour fidéliser, dans un contexte de tension sur l’emploi.
Les entreprises qui parviennent à stabiliser leurs équipes disposent d’un avantage net en qualité de service… et en coûts cachés évités.
Au final, le marché de la logistique à Lyon est à la fois exigeant et très prometteur. Les règles du jeu se durcissent (foncier, réglementation, attentes RSE), mais pour les acteurs capables de combiner vision long terme, ancrage local et rigueur opérationnelle, la région lyonnaise reste l’un des terrains les plus attractifs pour développer des activités logistiques solides et durables.

